EVALUER LES RISQUES
Un tableur pour calculer le flux de polluants volatils de la nappe vers la surface à travers la Zone Non Saturée
Les bases théoriques de l’outil
Afin de quantifier le risque associé à une contamination de ce type, il est nécessaire de comprendre les mécanismes de transport régissant la migration de contaminants organiques sous forme gazeuse vers la surface ainsi que les facteurs d'atténuation influant sur cette migration. Les travaux de Hers et al. (2003) et Fitzpatrick et Fitzgerald (2002) montrent que la ZNS joue un rôle primordial dans l’estimation des flux gazeux de la nappe vers la surface :- D’une façon générale, le type de polluant change relativement peu les flux tant que celui-ci est volatil.
- La perméabilité équivalente des fondations du bâtiment influence peu les résultats généraux.
- Dans les sols peu perméables à l’air, le processus majeur est la diffusion et ainsi le différentiel de pression entre sol et bâtiment est peu influent.
- A l’inverse, dans les sols perméables, les paramètres majeurs sont la perméabilité à l’air du sol et la différence de pression sol-bâtiment.
- La teneur en gaz du sol, qui peut varier largement sous un bâtiment, influence de façon très conséquente les résultats.
Caractériser la ZNS avec les courbes capillaires d’un sol
Le sol va présenter une porosité et un profil de teneur en eau en fonction de l’altitude spécifique (appelée courbe capillaire). Ces deux paramètres sont principalement liés à la granulométrie du sol. Par exemple, un sable grossier « retiendra moins l’eau » qu’un sol limoneux et les courbes capillaires de la ZNS seront donc différentes. Ainsi, la zone proche de la saturation appelée frange capillaire sera mince dans le cas d’un sable grossier tandis qu’elle pourra atteindre plus d’un mètre dans un sol limoneux. Classiquement, ces courbes capillaires sont décrites par le modèle de Van Genuchten (1980). La Figure 2 montre quelques courbes capillaires pour différents types de sol. Figure 2: Courbes capillaires pour différents types de solsCaractériser la diffusion de gaz dans la ZNS
Sur le long terme, la migration de COV dans la ZNS se fait principalement par diffusion. Pour la caractériser, il faut appliquer la loi de Fick décrivant que le flux J est proportionnel au gradient de concentration et à un coefficient de diffusion effective Deff : Ce flux est celui qui servira à calculer le risque dans les bâtiments sus-jacents. Dans un sol, le coefficient de diffusion effective est principalement fonction des propriétés du sol, à savoir la teneur en eau, en gaz et la porosité. Ainsi, en fonction du type de sol, les flux de COV vers la surface vont différer. En effet, la diffusion d’une substance étant beaucoup plus élevée dans en phase gazeuse que dans l’eau (environ 4 ordres de grandeur), la proportion de ces fluides dans le milieu poreux va influer sur cette migration. Ainsi, en fonction des courbes capillaires du sol, le coefficient de diffusion effective sera modifié et les flux de contaminant vers la surface également. Pour calculer ce coefficient de diffusion effective, la formule à utiliser est celle proposée par Millington et Quirk (1961) : Avec :- Deff: le coefficient de diffusion effective (m2 s−1),
- Dg: le coefficent de diffusion du contaminant dans l’air (m2 s−1),
- Dw: le coefficent de diffusion du contaminant dans l’eau (m2 s−1),
- θg: la teneur en air (-),
- θw: la teneur en eau (-),
- H: la constante de Henry adimensionnelle (-, eau/gaz),
- n : la porosité totale du sol (-).
- v0: la vitesse d’écoulement de la nappe, ou vitesse de pore (m s−1),
- αz: la dispersivité (m),
- k* : le rapport de la conductivité hydraulique dans la frange capillaire sur la conductivité hydraulique à saturation (-).
Déterminer le profil de teneur en polluant avec l’Outil de calcul
Le tableur permet, à partir d’informations relatives au contaminant et aux propriétés hydrodynamiques du sol, de déterminer les flux de contaminant vers une surface libre et de réaliser la courbe de concentration pour le cas qui vous concerne. Les paramètres de van Genuchten étant difficile à déterminer, il peut être intéressant d’avoir une validation du profil de teneur en eau sur le site concerné. La Figure 3 illustre quelques résultats du modèle pour un sol sableux et un sol limoneux. Le point majeur est que la frange capillaire conduit à un gradient très élevé de concentration pour le cas du sol sableux, ce qui n’est pas le cas pour le sol limoneux. Ceci a été vérifié expérimentalement. En effet, la faible teneur en air pour le sol limoneux implique un déplacement très lent des composés et donc un coefficient de diffusion effective très faible induisant un flux de contaminant plus faible que pour le sol sableux. Il est donc courant d’avoir des concentrations dans l’eau du sol 100 à 1000 fois plus faibles au-dessus de la frange capillaire que dans la nappe dans le cas de franges capillaires de faible hauteur. Ainsi, il y a peu de cas où, en l’absence de contamination des sols, le flux de polluant émanant de la ZNS peut conduire à un risque élevé. Il est évident que ce modèle ne s’applique pas au cas où il y a une présence de phase flottante, qui conduit à des concentrations très élevées dans l’air du sol puisque, par définition, le produit flottant se situe dans la partie supérieure de la frange capillaire. Figure 3 : Evolution de la teneur en eau (à gauche) et des concentration en benzène dans la phase gazeuse du sol (droite) pour des sols sableux et limoneux dont la nappe située à 10 m de profondeur présente une concentration en benzène de 1500 mg L−1. By G. Cohen, O. AtteiaRéférences
Atteia, O., Höhener, P., 2010. Semianalytical model predicting transfer of volatile pollutants from groundwater to the soil surface. Environ. Sci. Technol. 44, 6228–6232. Fitzpatrick, N.A., Fitzgerald, J.J., 2002. An evaluation of vapor intrusion into buildings through a study of field data. Soil Sediment Contam. An Int. J. 11, 603–623. Hers, I., Zapf-Gilje, R., Johnson, P.C., Li, L., 2003. Evaluation of the Johnson and Ettinger model for prediction of indoor air quality. Groundw. Monit. Remediat. 23, 119–133. Millington, R.J., Quirk, J.P., 1961. Permeability of porous solids. Trans. Faraday Soc. 57, 1200–1207. Van Genuchten, M.T., 1980. A closed-form equation for predicting the hydraulic conductivity of unsaturated soils 1. Soil Sci. Soc. Am. J. 44, 892–898. [wpdm_package id='1077']Qu’est-ce que l’EDA ? Comment l’utiliser pour tester la toxicité des sols ?
Modèles de volatilisation : d’où viennent les différences entre prédictions et mesures ?
Selon l'étude menée par InnovaSol, les différences constatées entre les mesures et les prédictions obtenues avec les modèles de volatilisation sol-bâtiment (Volasoil, Johnson et Ettinger) ne proviennent pas des simplifications de ces modèles. L'origine de ces écarts est à rechercher dans le rôle de la frange capillaire, de la distance bâtiment-source et du non-équilibre sol-air.
Différents articles récents montrent que le modèle en une dimension de type Johnson et Ettinger, s’il est appliqué à un contexte où il n’y a pas d’effet 3D (source très localisée, bâtiment éloigné de celle-ci) ne conduit pas à des différences majeures avec un modèle en 3 dimensions reprenant la physique des phénomènes. En ce qui concerne le rôle des paramètres majeurs, les éléments suivants peuvent être avancés :
- D’une façon générale, le type de polluant change relativement peu les flux tant que celui-ci est volatil.
- Le nombre de fissures dans les fondations du bâtiment influence peu les résultats généraux.
- Dans les sols peu perméables à l’air, le processus majeur est la diffusion et ainsi le différentiel de pression entre sol et bâtiment est peu influent.
- A l’inverse, dans les sols perméables, les paramètres majeurs sont la perméabilité à l’air du sol et la différence de pression sol-bâtiment.
- La teneur en air du sol, qui peut varier largement sous un bâtiment, influence très largement les résultats. En effet une variation d’un facteur 4 de la teneur en air peut conduire à une variation des concentrations dans le bâtiment de plus d’un ordre de grandeur.
Par ailleurs, cette étude montre clairement que des facteurs "externes" aux équations des modèles conduisent aisément à des erreurs de plusieurs ordres de grandeur sur les résultats de modélisation. Il y a cependant une solution assez simple à ces déviations importantes : lorsqu'il s'agit de modéliser un risque dans un bâtiment, il est indispensable de réaliser les mesures dans l'air du sol. En effet une mesure locale dans l'air du sol permet d'éliminer les trois grands facteurs de biais que nous avons identifié : (i) hétérogénéité latérale, (ii) rôle de la frange capillaire et mesure dans la nappe et (iii) rôle du transfert solide-gaz.
Cette approche simple permettra de limiter très fortement les erreurs des modèles sur site réel. Par contre lorsque les terres d'un site doivent être réemployées le calcul par le modèle risque peut toujours être préconisé avec moins de possibilités de mesure in situ. Dans ce cas, il est néanmoins possible de réaliser les études de risque aussi à partir de mesure dans les gaz du sol et non sur des concentrations sur le solide.